Histoires Expatriées | Pourquoi suis-je partie vivre à Whitehorse ?

 

Car, quand je ne travaille pas, je suis dehors à crapahuter.

 

Voilà peut-être une des raisons de mon départ : bousculer ma routine en allant à la rencontre de l’inconnu ! Il y en a d’autres, bien sûr, certaines déjà disséminées, çà et , sur le blog. D’autres, beaucoup plus personnelles, que je vous livre aujourd’hui. Si à l’origine de mon projet, mon expatriation devait être temporaire, son caractère plus définitif s’amorce doucement. Mon retour express en France pour les fêtes de fin d’année n’a fait que confirmer mon envie de m’installer durablement au Yukon. Cela m’a fait réaliser que c’était désormais ma maison. Ne vous méprenez pas… j’ai passé des vacances exceptionnelles, entourée de mes proches, des moments uniques de retrouvailles et de bonheur, avec la sensation que rien n’avait changé, comme si l’on venait juste de se séparer et que tout reprenait là où on s’était quitté… Étrange, et en même temps, tellement réconfortant et rassurant… de savoir que la famille et les amis seront toujours là, qu’importe mes choix de vie, souvent difficiles à suivre et à comprendre.

Haeckel Tower Road
©Guillaume Lossouarn

Parce que oui, quand je suis partie en septembre 2016, j’avais tout pour être « heureuse ». Un joli petit chez moi, un nouveau métier que j’avais choisi après une première reconversion professionnelle, et un entourage formidable. Pourtant, je sentais bien, qu’au fond de moi, quelque chose n’allait pas et que cela commençait à me ronger de l’intérieur, faisant ressortir mon côté sombre… J’avais donc tout pour l’être, mais je ne l’étais pas, heureuse. Alors, j’ai fui ce confort préétabli pour une chasse au bonheur, une quête peut-être éternelle… Car, après tout, c’est quoi le bonheur ? Ça veut dire quoi, être heureux ? Comment le sait-on ? Pendant une période de ma vie où je n’allais pas bien, disons-le clairement même, où j’étais en dépression, j’ai consulté une psy. Certains en parlent magnifiquement bien ; d’autres, comme moi, beaucoup plus gauchement… Passé le sentiment de honte d’avouer cette maladie, je me sentais coupable de ne pas aller bien devant toutes les misères qui existent sur notre Planète. Certains appellent cette maladie le fléau des temps modernes : nous, pauvres « riches », n’avons pas de « réels » problèmes, alors nous nous en créons… Bref, je culpabilisais d’être comme ça, et surtout, de faire souffrir mes proches. Le cercle vicieux, l’engrenage du mal-être, s’accélérait… Un jour, ma psy m’a dit : « Il faut que vous arrêtiez de chercher la perfection ». C’est vrai que j’avais tendance à être perfectionniste dans ce que j’entreprenais, mais était-ce véritablement ce que je faisais à chaque instant de mon existence ? Était-ce pour cela que j’avais l’impression de ne pas être heureuse et de n’arriver à rien ? D’avoir le sentiment de subir chaque jour qui passe, d’être en équilibre sur un fil… Tomberais-je ? Ne tomberais-je pas ?

Lily's road_Kusawa ridge
©Kelly Tabuteau

Bien avant le Canada, j’avais fini par trouver ce qui me retenait sur ce fil : le mushing ! Un quotidien simple, en communion avec la nature et les chiens, une vie parfois considérée comme solitaire, et à juste titre, difficile. Mais une vie qui me plaisait, qui me faisait vibrer, me faisait me sentir libre et surtout vivante. Grâce à Mush & Rando, j’ai pu la vivre quelques mois en France, me permettant ainsi de commencer à remonter la pente et à faire de nouveaux projets, pour enfin vivre une vie qui correspondait à ce que je désirais vraiment au plus profond de moi. J’avais somme toute l’impression que mon avenir se dessinait calmement devant moi… Et voilà que je reçois mon invitation pour le PVT Canada… Obstacle ou opportunité ? En tout cas, de quoi me replonger dans de longues réflexions et de profondes remises en question. Vais-je sérieusement le faire, vais-je réellement franchir le pas de partir à près de 10.000 kilomètres de mes racines ? Dans un territoire dont je ne parle la langue qu’approximativement et où je ne connais absolument personne ? Je savais ce que j’abandonnerais, mais je ne savais pas ce que je trouverais… C’était un risque à prendre… Quitte ou double !

Mush&Rando
©Kelly Tabuteau

J’avais changé de travail, j’étais devenue mon propre patron me permettant de travailler assez pour vivre et profiter de ma passion, les week-ends et, parfois même, pendant quelques semaines. Pourtant, je me rendais compte que ce n’était toujours pas la solution pour moi. Peu à peu, je réalisais que ma vie en banlieue parisienne, enfermée dans une salle de sport, n’était pas assez… Assez quoi, me demanderez-vous ? Je ne sais pas… J’avais l’impression de sombrer dans un puits sans fin, avec aucune corde à laquelle me rattraper. Heureusement qu’il y avait mes escapades dans le Vercors, mais ce n’était pas suffisant. Je cherchais quelque chose de plus, quelque chose de différent. Retrouver, de façon plus permanente, une immersion dans la nature, loin de l’agitation urbaine, où randonner et me perdre dans l’immensité des montagnes étaient accessibles en bas de chez moi. Je n’étais pas à ma place ici, et il fallait que je trouve l’endroit qui me ferait me sentir chez moi. J’avais alors décidé que le PVT serait une opportunité plutôt qu’un obstacle !

Ce vide que je ressentais, cette sensation étrange d’évoluer dans un univers qui n’était plus le mien, n’est plus aujourd’hui. Ai-je trouvé ce que je cherchais ? Le bonheur ? Si ce n’est pas cela, je pense que je m’en rapproche dangereusement. Partir est certainement l’une des meilleures choses que j’ai faite jusqu’ici. Jamais, je n’aurais pu imaginer pouvoir me sentir aussi épanouie et sereine. La vie, ici, est différente, pas nécessairement mieux (qui suis-je pour juger ce genre de chose ?), mais ce qui est sûr, c’est qu’elle me correspond davantage. Comment, dans ces conditions, ne pas souhaiter transformer cette expatriation temporaire en quelque chose de plus permanent ? Même si, la décision est difficile à prendre… Revoir mes proches m’a fait réaliser combien cela me manque de ne plus les avoir au quotidien près de moi, et en même temps, comment tourner le dos à cette nouvelle routine qui me plait tant ? À ce sentiment d’être libre, d’être celle que je veux être sans crainte d’être jugée ? Alors oui, professionnellement parlant, mon parcours peut être vu comme chaotique, sans aucune logique… Aujourd’hui, mon rêve de devenir musher est mis entre parenthèse, dans l’attente de ma résidence permanente canadienne. Je priorise, sans perdre de vue l’objectif final : une cabane dans les bois, un chenil rempli de chiens exceptionnels, avec mon Homme pour partager le tout. Peu importe ce que les gens peuvent en penser… au risque peut-être de paraître égoïste… Je l’ai compris il y a plus de trois ans, quand j’ai quitté mon boulot d’ingénieur, le travail est secondaire pour moi. Travailler pour vivre, et non vivre pour travailler. Travailler est indispensable car tout se paie au quotidien, mais c’est loin d’être primordial. Mon inconstance professionnelle existe. Elle me permet de vivre confortablement sans oublier l’essentiel : vibrer à chaque instant, être en accord avec moi-même, mes convictions, mes valeurs, … Alors, oui, je suis partie, direction le Yukon, berceau des ruées vers l’or et de l’histoire des traîneaux à chiens.

Lily's road_Carcross
©Kelly Tabuteau

 

« Il est temps de vivre la vie que tu t’es imaginée. », Henry James.

 

HistoiresExpatriéesCet article participe au RDV #HistoiresExpatriées organisé par Lucie du blog L’Occhio Di Lucie. Chaque mois, aux alentours du 15, des blogueurs expatriés aux quatre coins du monde se retrouvent autour d’un thème imposé, pour échanger des anecdotes sur la vie hors de leur pays natal. J’ai tout de suite adoré le concept alors me voilà 🙂
Janvier 2018 : Pourquoi es-tu parti(e) ? – Marraine : Jéromine du blog L’archivoyageuse.

17 réflexions sur “Histoires Expatriées | Pourquoi suis-je partie vivre à Whitehorse ?

  1. Je me retrouve beaucoup dans ton article. J’adore travailler et pourtant j’ai la même vision que toi de celui-ci : mon travail doit s’adapter à ma vie, pas en créer les conditions. Merci pour cet article, un vrai plaisir de lecture, et bonne route sur la quête du bonheur, de la cabane et de la vie simple ! (je viens de commencer Dans les forêts de Sibérie de Tesson, ça résonne pas mal comme thème héhé)

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    1. Merci Lucie pour ton commentaire. En tant qu’expatriée, je pense qu’on se retrouve tous un petit peu dans les récits de chaque autre expatrié. Pas pour tout bien sûr, mais dans des petits aspects. Je vous tiendrai au courant de mon évolution dans ma quête 😉
      Autre sujet, je n’ai pas réussi à le finir ce livre (Dans les forêts de Sibérie)… Pourtant, je suis une grande fan de ce genre de récits mais le côté « J’ai besoin de mes X litres de vodka pour passer l’hiver » m’a un peu déçue je dois avouer, stoppant ma lecture à peine au milieu. J’y reviendrai peut-être. Vaut-il le coup ?

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      1. J’ai pensé la même chose parfois, on est pas loin du pathétique… Mais le livre est joli, poétique avec quelques belles réflexions et surtout une fascination pour l’ailleurs. Après il ne se passe pas grand chose de plus entre le milieu et la fin du livre 😄

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  2. Effectivement quand on est perfectionniste on le paye un jour ou l’autre (je le sais trop bien), et les employeurs en profitent un maximum. On ne se refait pas !
    Et il est vrai que l’on travaille pour vivre et non pas vivre pour travailler. C’est un cercle vicieux qui peut vous emmèner dans le « trou ».
    Quand on sent qu’il faut changer de vie (pas sur un coup de tête, mais une démarche mûrement réfléchie), alors il faut le faire.
    Continue à être prudente dans ta vie. Fais les choses que tu aimes du moment où tu peux avoir un toit et à manger dans ton assiette, la vie est beaucoup trop courte.
    Ton texte me touche beaucoup. Il est d’une vrai sincérité et tu « te mets à nue ».
    Continue à être heureuse. Essaye de t’imposer moins de perfections dans ce que tu fais (facile à dire, un peu plus difficile à faire). Lâche le travail (quelques minutes) que tu fais quand tu sens que cela commence à te bouffer.
    Vie pour vivre la vie que tu aimes et ne vie pas dans un monde fait où ce n’est qu’un servage moderne.
    Bisous à toi.
    Cathy et Willy
    PS : Nous sommes désolés d’avoir eues un repas le 28/12, nous aurions tellement voulus te revoir, mais ça sera pour la prochaine fois.

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    1. Je continue à être heureuse 🙂 Je me plais tellement ici, même si en ce moment, je travaille beaucoup… Bisous à vous et à bientôt ! (on aura d’autres occasions de se revoir, ne vous en faîtes pas).

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  3. Je comprends tout a fait tes raisons d’expatriation lorsqu’il y a un mal-être personnel. Certains peuvent croire qu’on fuit la réalité/nos responsabilités mais je ne le vois pas du tout comme ça. C’est génial si tu as su trouver ce quelque chose en plus au Yukon et puis beau projet que cette cabane dans les bois avec les chiens. Je viendrais te voir avec grand plaisir quand ce sera concrétisé.

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  4. Merci ma chérie, toujours une écriture parfaite Sois heureuse dans ce tu entreprends. La vie est courte, profite et épanouies-toi dans ce que tu entreprends.Il faut du courage et tu en as. Bisous

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  5. Ton article, et ce qui t’a poussée à partir, font pas mal écho à ma propre expérience alors forcément, j’ai trouvé ça très émouvant. C’est fou ce pouvoir que peuvent avoir certains lieux sur nous, et encore plus après les avoir découvert pour la première fois. Je te souhaite beaucoup de bonheur dans cette nouvelle vie !

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