La route de l’argent – De Stewart Crossing à Keno

Dans cet article :

Mont Haldane – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Jour 1 (1er juillet 2022) : de nouveau sur la route

Donc, le 1er juillet 2022, Ouna et moi avons pris la route, d’abord en direction du Nord. Le départ a été tardif, le temps de finir de charger la voiture, de faire le ménage pour que les locataires arrivent dans une maison à peu près propre, d’appeler papa et maman, puis de partir. À 11 h 30, nous donnions le coup d’envoi de ces quelques mois de road-trip.

Pour ce début de voyage, j’avais envie de retourner sur la Silver Trail, une route de 110 kilomètres serpentant au milieu du territoire traditionnel de la Première nation NaCho Nyäk Dun. Elle relie les communautés de Mayo (200 habitant·e·s), Esla (les derniers chiffres remontent à 1991, avec une population de 8 personnes) et Keno City (24 individus) au reste du Yukon. Je l’avais parcourue rapidement en septembre 2017 quand mon ami Mathieu était venu me rendre visite à Whitehorse. Si les communautés desservies n’ont pas vraiment d’attrait particulier (sauf si vous êtes passionné par l’exploitation minière), la nature qui entoure ces deux villages est à couper le souffle, si bien que je voulais prendre le temps de randonner un peu plus dans ce coin-là du Yukon.

Sentier Keno 700 – Septembre 2017. © Kelly Tabuteau

De Whitehorse à Keno, il faut compter un peu plus de cinq heures de conduite (464 km), la route entre Mayo et Keno étant de graviers. Je fais donc un premier arrêt un peu avant Carmacks, après deux heures de route, pour une petite randonnée facile que je n’ai pas encore faite : Plume Agate. Il fait déjà chaud et je sue à grosses gouttes pour venir à bout de ces 250 mètres de dénivelés. Ouna, à son habitude, trottine devant et semble apprécier la balade.

Sentier Plume Agate – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Dommage cependant que le ciel soit voilé… C’est la saison des feux de forêt, et plusieurs se sont déclenchés, majoritairement à cause de la foudre, en Alaska et au Yukon. Il n’en reste pas moins que les vues sont chouettes !

Sentier Plume Agate – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau
Sentier Plume Agate – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Je reprends ensuite la route vers Mayo où je comptais passer la nuit au camping territorial Five Miles Lake. Malheureusement, il est complet. Je prends cela comme un signe de continuer à rouler. De toute façon, il fait 28°C ici, beaucoup trop chaud pour dormir dans la voiture, j’espère trouver plus frais vers Keno. Quand j’arrive en haut de Keno Hill, il ne fait plus qu’une vingtaine de degrés, et il n’y a qu’un seul van posé pour la nuit. Ce soir, nous dormirons face au fameux poteau signalétique de Keno.

Keno Hill – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Dès la voiture garée, nous partons à l’assaut de Monument Hill, une autre courte randonnée, facile mais hors sentier. Là encore, il est difficile de voir les sommets au loin à travers l’opacité de la fumée, dont l’odeur atteint même mes narines une fois au sommet.

Après une petite discussion avec le propriétaire de l’autre van (un retraité habitant à Okanagan Falls en Colombie-Britannique), il est temps de dîner et d’aller au dodo.

Jour 2 (2 juillet 2022) : le mont Hinton, une randonnée à 2 000 m

Je me réveille de bonne heure et après un rapide petit déjeuner, je monte le camp. J’ai prévu une grosse rando, le mont Hinton, et la météo annonce chaud encore aujourd’hui… j’aimerais monter « à la fraîche ».

La route d’accès est réservée aux quatre roues motrices et je comprends vite pourquoi. C’est raide et il y a des gros (gros !) cailloux. Bien que Rocky (c’est le surnom que j’ai donné à ma voiture) assure comme un chef, je n’en mène pas large derrière le volant.

Après une dizaine de kilomètres qui me semble durer une éternité (je ne le savais pas encore, mais il me faudra près de 45 minutes pour la parcourir en sens inverse), je me gare et commence à marcher. La rando est relativement facile – Ouna et moi suivons une vieille route minière, puis un sentier de VTT (véhicule tout terrain, genre quad) presque jusqu’au sommet. Le ciel est toujours voilé mais c’est beau pareil ! Au loin, on aperçoit d’ailleurs le foyer d’un feu de forêt.

La randonnée suit une vieille route minière pendant les premiers kilomètres.
Mont Hinton – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau
Au loin, on aperçoit le foyer d’un feu de forêt.
Mont Hinton – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau
Le ciel voilé nuit à la visibilité.
Mont Hinton – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau
Mais une fois au sommet, c’est beau pareil !
Mont Hinton – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Au retour à Keno, nous faisons une rapide marche dans le village avant de reprendre la route en direction de Mayo. Sur le trajet, je cherche un endroit où me baigner car j’aimerais au moins me rincer, à défaut d’avoir une vraie douche ce soir. Je trouve le spot parfait, l’eau est bonne et ça fait un bien fou. Surprise cependant, quand j’enlève mon maillot de bain, je suis remplie de dépôt de vase… Vase ou transpiration, il faut choisir !

Pour la nuit, je me dirige vers le départ de la randonnée que je souhaite faire le lendemain. Le parking est en plein soleil, il fait près de 30°C. Je recherche donc une place à l’ombre. Chose que je déniche rapidement, un petit endroit parfait pour une nouvelle nuit.

Dîner avec vue. © Kelly Tabuteau

Jour 3 (3 juillet 2022) : l’enfer a frappé le mont Haldane

Je suis réveillée par la pluie sur Rocky et bien qu’elle ne dure pas longtemps, j’hésite à me lancer sur la randonnée du mont Haldane. Le ciel est gris de chez gris, toujours tout voilé et les températures annoncées avoisinent les 30°C… Je décide de tenter le coup quand même. Bien qu’un peu plus longue que la rando de la veille, la majorité de la rando se fait sur une route de quatre roues jusqu’à un col situé un peu plus de six kilomètres après le départ. De là, ce sera du hors sentier.

Le ciel est bien menaçant ce matin.
Mont Haldane – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Dès le parking, Ouna et moi nous faisons littéralement manger par les moustiques, si bien que je me décide à sortir ma veste moustiquaire. Plus de piqûres, mais il fait une chaleur à mourir en dessous. Je me souviens avoir pensé : « Bon, entre se vider de son sang ou la déshydratation, je ne sais ce qui est pire… ». Je ne pouvais pas savoir que cette phrase serait si révélatrice de la suite de la journée.

T’as le look, coco ♪
© Kelly Tabuteau

Je sue donc dans ma veste, je me liquéfie même… tellement d’ailleurs, qu’après cinq kilomètres d’ascension, je décide de la retirer. Je suis assoiffée, je m’hydrate, mais peut-être un peu trop… En partant, il faisait 15°C mais là, je cuis en plein cagnard. Pas un coin d’ombre, pas une brise. Je me demande s’il est raisonnable de continuer jusqu’au sommet… Je vérifie ma quantité d’eau et je devrais être correcte, alors je pousse. J’attaque le hors-piste, mais je devine un sentier où la végétation est usée par le passage d’autres randonneurs et randonneuses.

Arrivées au sommet, Ouna et moi contemplons les vues, quoique légèrement voilées. Je trouve une géocache avec un livret de témoignages. À mon tour, j’immortalise notre passage en y inscrivant un petit mot. Puis, nous entamons le chemin retour.

Après 45 minutes de descente, je réalise avoir fini mon eau. J’ai toujours la bouteille pour Ouna, mais je crains que cela ne suffise pour venir à bout de ces six kilomètres, en plein soleil.

Les six kilomètres les plus longs de ma vie. Ma gorge, ma bouche, mon nez sont secs. Je ne transpire plus. J’ai de la difficulté à reprendre un souffle normal malgré la descente. Mes jambes ont du mal à me porter. Ouna aussi souffre, elle vomit sur le chemin du retour.

Nous faisons une pause après deux kilomètres. Ouna vient gratter sa patte dans mon dos, je sens bien qu’elle ne file pas non plus. Je m’en veux d’autant plus d’avoir été jusqu’au sommet. À nous deux, nous finissons la bouteille de secours. Il nous reste encore quatre kilomètres à parcourir, sous 28°C. Je commence à avoir des engourdissements dans les bras, ça n’augure rien de bon…

C’est long, mon mental lâche, j’en pleure presque, mais je m’accroche, pour moi, mais surtout pour Ouna. Tant bien que mal, nous avançons et à un kilomètre de la fin, repassons par une grosse flaque d’eau, non stagnante, certainement alimentée par un ruisseau que je ne vois pas. Ouna s’en donne à cœur joie, et moi aussi ! Je mouille ma casquette, puis bois.  Entre une déshydratation sévère ou une diarrhée, mon choix est vite fait.

Finalement, nous arrivons à la voiture, entières mais assoiffées.

Le temps s’est finalement levé, mais je n’y retourne pas !
Mont Haldane – Juillet 2022. © Kelly Tabuteau

Avec cette rando s’achève notre séjour sur la Silver Trail. Nous reprenons la route, direction l’océan Arctique maintenant ! Et il n’y a qu’une seule route qui nous mènera à bon port : la mythique Dempster Highway, une route de graviers longue de 737 kilomètres, qui serpente entre montagnes, toundra, lacs et rivières.

Ce soir, nous n’avons parcouru que les premiers kilomètres, pour nous rendre au camping territorial Tombstone, en plein cœur du parc territorial du même nom. Il est 19 h 45 quand nous arrivons, et il n’y a plus un emplacement de libre… Si ce n’est un emplacement pour les groupes commerciaux, ouvert à tout le monde si vide après 19 h. Bingo, ce sera notre spot pour la nuit.

8 réflexions sur “La route de l’argent – De Stewart Crossing à Keno

  1. Eh mais c’est moi qui suis cité! 🙂
    C’est déjà si loin 2017…faut que je revienne c’est vraiment trop beau!
    Fais attention à toi quand même, j’aime pas trop trop cette histoire de déshydratation!!

    Aimé par 1 personne

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