Si Skagway a été ma première destination alaskaine, je n’ai pas attendu bien longtemps pour partir à la découverte de Haines, un petit village de pêcheurs situé à 393 kilomètres de Whitehorse. Niché entre deux bras de mer et abritant moins de deux mille habitants, je n’en avais entendu que des échos positifs. Que ce soit pour pêcher, pour randonner, pour skier ou pour observer la faune, j’étais certaine de trouver chaussure à mon pied. Je ne prévoyais cependant pas d’être propulsée dans une atmosphère si dépaysante où les montagnes émergeraient directement de l’océan et où les forêts seraient tellement denses et humides qu’elles me rappelleraient presque la « jungle » réunionnaise.


Après quasiment cinq heures de voiture, d’abord sur la célèbre route de l’Alaska puis sur la route de Haines, au cours desquelles les paysages s’enchaînent à une vitesse vertigineuse, toujours aussi grandioses, toujours aussi envoûtants, nous atteignons Haines, anciennement appelé « Dtehshuh », la fin du sentier, par le peuple autochtone Chilkat qui faisait alors commerce avec l’intérieur, via la rivière Chilkat. En accostant à « Dtehshuh », ils pouvaient porter leurs canots pour rentrer chez eux, leur évitant ainsi de pagayer plus d’une trentaine de kilomètres autour de la péninsule Chilkat. Ce terme serait toujours approprié aujourd’hui encore, puisque la route se termine à quelques kilomètres du « centre-ville » de Haines : au nord, avec le lac Chilkoot ; au sud, avec la fin de la péninsule Chilkat.

Si pour mon Fisherman un voyage à Haines signifie pêcher 20 h sur 24, tous les jours, pour moi, ce n’est pas si évident ! Je dois bien avouer que la pêche est loin d’être mon activité préférée (pas assez patiente sûrement), et que ce sont davantage les randonnées et la découverte de la petite ville américaine qui m’attirent. Alors, dès notre arrivée, nous nous arrêtons à l’office du tourisme local pour glaner quelques informations. Nous y dégotons le dépliant « Take a walking tour of downtown Haines », une boucle rapide à travers les rues principales du « centre-ville » qui décrit les points incontournables de Haines, avec explications historiques. En réalité, rien de bien transcendant, si ce n’est le musée du marteau (le premier musée au monde consacré à cet outil !) qui expose près de 2 000 spécimens, des temps anciens, de l’ère coloniale et de l’ère industrielle ; ou encore le musée Sheldon qui présente les arts et la culture, passés et présents, de Haines et de la Première Nation Tlingits.
Après cette balade en ville, si petite soit-elle, nous ressentons très vite le besoin de reconnecter avec l’océan et nous nous dirigeons vers le petit port de Haines. Ni une ni deux, mon Fisherman attrape tout son attirail du parfait pêcheur et s’en va pendant que je flâne dans cet endroit si pittoresque. Haines n’échappe d’ailleurs pas au stéréotype des villages côtiers, vivant au rythme des marées. Ici, une agitation frénétique règne dès le retour des bateaux de pêche. Leurs propriétaires s’affairent alors à vider et fileter leurs prises, alors que les mouettes attendent impatiemment leur dîner.

Mes déambulations me mènent jusqu’au monument historique national du Fort William H. Seward, un poste de l’armée américaine qui a servi de point d’approvisionnement pendant la Seconde Guerre mondiale. À cette période, il regroupait plusieurs casernes, des logements pour les officiers et des lieux de rassemblement. Désaffecté en 1946, il a été vendu à un groupe d’investisseurs qui a reconverti le site en habitations privées, galeries d’art ou restaurants. Aujourd’hui, seules les façades d’époque demeurent.
Puis je retrouve mon Fisherman. Il n’a pas bougé d’un pouce. Il a surtout attrapé son repas du soir ! La marée descendant depuis un petit moment, il plie bagage et nous décidons d’aller goûter une bière (enfin, lui une bière, moi un verre d’eau) à la micro-brasserie locale, la Haines Brewing Company. Leur carte propose des mixtures originales, si bien que je me laisserais presque tenter… Mon Fisherman opte pour la Captain Cook’s Spruce Tip Ale, une bière infusée de bourgeons d’épinettes. Plus tard pendant notre séjour, il essayera la Eldred Rock Red, brassée avec des malts de caramel. Il a eu l’air de bien les apprécier !

Puis, en s’éloignant du centre-ville, nous retrouvons une partie du décor où le film Croc-Blanc de Walt Disney a été tourné en 1990. Il ne reste qu’une douzaine de petites bicoques de la ville minière fictive, mais je replonge immédiatement en enfance. Diverses boutiques occupent désormais cet espace. Légèrement à l’écart, nous découvrons quelques manèges et plusieurs échoppes, type baraques à frites. Nous apprendrons à notre retour à Whitehorse que, tous les derniers week-ends de juillet, Haines accueille la foire d’État du sud-est de l’Alaska, où un festival de musique et des jeux en tout genre sont organisés. Tout s’explique !
Nous terminons notre première journée avec la visite du siège social de l’American Bald Eagle Foundation, une association qui œuvre pour la réhabilitation des pygargues à tête blanche ou de tout autre oiseau de proie blessé. L’endroit est aménagé en mini-musée d’histoires naturelles, une vraie mine d’information sur la faune locale ! À l’état sauvage, nous avons pu apercevoir quelques aigles au bord de la rivière Chilkat, tout comme près du lac Chilkoot, deux emplacements de prédilection pour eux, puisqu’ils constituent un garde-manger plus que prospère avec les centaines de saumons qui remontent le courant pour frayer sur leur lieu de naissance. La meilleure période pour les observer s’étend d’octobre à février. Ils sont alors des milliers à se rassembler le long de la rivière Chilkat. Début novembre, la fondation organise même un festival où plusieurs activités sont proposées afin d’en apprendre davantage sur les pygargues à tête blanche.
Avant de nous poser pour la soirée, nous faisons un dernier crochet par la distillerie Port Chilkoot. Si le bâtiment ne paye pas de mine, ni la microscopique salle de dégustation d’ailleurs, nous avons été conquis par l’accueil chaleureux qui nous a été réservé. Cela n’avait cependant rien à voir avec l’ivresse que nous ressentions après avoir siroté des échantillons de gin artisanal, de bourbon, de vodka et autre ; mais tout à voir avec la visite de l’arrière de la bâtisse. En principe fermée au public, nous avons eu la chance de pouvoir la parcourir, et par la même occasion, en apprendre davantage sur les secrets de la distillation.

Notre première journée à Haines s’achève. Il est temps d’aller se reposer. Demain, mon Fisherman a rendez-vous avec les saumons ; et moi, avec les grizzlis !


« La vie est comme l’océan. Elle peut être calme ou plate, difficile ou rude. Mais au final, elle est toujours belle. » Franck Nicolas.
Merci de nous faire rêver avec toutes ces belles photos.
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Merci à toi de toujours être ma première lectrice 🙂
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