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Juillet 2022. © Kelly Tabuteau
Jour 13 (13 juillet 2022) : Préparatifs
Aujourd’hui, c’est jour de repos et de préparation. C’est bien dommage, car je me réveille sous un beau ciel bleu… la plus belle journée de cette semaine ! Je suis tentée de randonner, mais la raison l’emporte. Après cinq jours de randonnées à la journée, je m’apprête à m’élancer sur une randonnée itinérante de cinq jours, le Grizzly Lake Trail, un sentier d’une quarantaine de kilomètres en plein cœur du parc territorial Tombstone. Mon corps a donc besoin de repos pour être en forme demain, mais je dois surtout préparer mes affaires… et celles d’Ouna.
Après notre routine matinale, nous marchons jusqu’au centre d’interprétation du parc Tombstone où je souhaite m’enquérir des conditions du sentier. « Trail’s fine, we had some rain so it might be muddy in parts. If so, walk through the mud. Do not enlarge the trail or spread it », me dit la personne qui m’accueille. Jusque-là, rien que je ne sache déjà. Elle me demande de regarder une courte vidéo de conseils sur le trek que je m’apprête à randonner, puis me délivre mon permis d’accès à l’arrière-pays. Yé !

Je retourne à mon emplacement de camping et commence à préparer mes affaires. Mon sac de 50 litres est petit pour une randonnée de 5 jours, surtout lorsque l’on doit emporter un contenant à l’épreuve des ours. Je suis obligée d’attacher la tente sous mon sac, avec le matelas pour Ouna, mais ça devrait le faire. Puis, je m’attelle au sac d’Ouna. Pendant que je fais ses rations, elle me regarde et se demande si je vais lui donner à manger maintenant. J’emporte aussi deux booties et son coupe-griffe, au cas où.
Je lui mets son sac et vérifie les réglages. Malgré nos entraînements en mai et juin, elle ne l’aime toujours pas et garde la queue entre les jambes dès qu’elle l’a sur le dos… J’espère que ça va aller demain… On verra bien. Si je vois qu’elle ne prend aucun plaisir, je n’hésiterai pas à revoir mes plans.
Après cela, il est temps pour une petite marche. Nous arpentons à nouveau le North Klondike River Trail. Sous le soleil au lieu de la pluie, c’est quand même plus agréable !




Une petite sieste et quelques chroniques d’Yves plus tard, l’orage gronde et la pluie s’invite encore une fois pour le dîner. Ce soir, ce sera une nouvelle soirée calme dans Rocky. Je ne sais pas si je vais bien dormir, entre l’excitation qui me gagne à parcourir ce célèbre sentier et l’anxiété d’avoir Ouna tout le temps en laisse.
Jour 14 (14 juillet 2022) : Déception et rebond
C’est finalement l’anxiété qui a pris le pas sur l’excitation et c’est la boule au ventre que je me réveille, angoissée comme rarement je l’ai été. Le terrain du trek que je m’apprête à faire est complexe et le faire avec un chien en laisse tout du long va rendre l’évolution encore plus difficile. Grâce à mon InReach, j’envoie un message à une amie qui l’a fait il y a quelques années avec son chien, mais je tarde à recevoir une réponse (la qualité de réception laisse à désirer ces derniers jours), si bien que je décide d’annuler ma randonnée itinérante et l’angoisse disparaît instantanément… Parfois, il faut suivre son instinct.
Je suis déçue, c’est certain, car cette randonnée m’attire depuis mon arrivée au territoire et ma première visite dans le parc en novembre 2016. C’est la troisième fois que je l’annule. En 2020, car je n’étais pas en assez bonne forme physique, puis en 2021, car j’avais Hazel et Ouna avec moi – à la place, j’avais fait cinq randonnées à la journée dans le parc. Mais je sais que le sentier ne va pas disparaître, alors je reviendrai !
Je prends donc la route vers Dawson où je passerai la journée et la soirée avant de trouver quoi faire pour la suite de mon voyage. Dès mon arrivée, je vois une longue file pour le traversier, je décide donc de me mettre directement dans la ligne afin d’aller faire des balades de l’autre côté du fleuve : Orchids Acre et les épaves de Dawson.

Orchids Acre est une boucle de deux kilomètres permettant d’observer des orchidées sauvages. Je sais que je suis tard dans la saison (habituellement elles sont en fleur vers la mi-juin), mais comme l’hiver a été long, je tente quand même ma chance. Râté ! À défaut, il y avait de belles vues sur le fleuve Yukon.

En route pour les épaves de Dawson, je réalise que ce n’est peut-être pas une bonne idée puisque le niveau du fleuve est très haut. D’habitude, on marche sur la plage pour arriver au cimetière de bateaux, mais là, y’a plus de plage… Chou blanc donc, je reprends le traversier dans l’autre sens et me rabats sur la randonnée du Midnight Dome, une marche sympathique pour atteindre le sommet de la colline qui surplombe le centre-ville de Dawson.
Je l’avais fait il y a quelques années avec mon amie Camille, nous étions passées par le Moosehide Slide, mais cette année, il est fortement déconseillé de le traverser à cause de son instabilité. Le centre des visiteurs me donne donc une carte d’une autre alternative. Ouna et moi nous élançons gaiement sur le sentier. Ça a l’air tellement simple (tout droit) que je laisse la carte dans la voiture.

Grave erreur, je manque une bifurcation et me retrouve pas du tout où je souhaitais aller. En regardant sur Gaia GPS, je réalise que je vais devoir traverser le Slide si je veux atteindre le sommet du dôme. Rhaaaa, décidément, ce n’est pas journée ! Comme je ne veux pas prendre le risque inutile de mourir dans un glissement de terrain, je bifurque sur le sentier 9e Avenue pour rejoindre la voiture, voiture que j’emprunte alors pour me rendre au sommet (oui, oui, je triche).



À chaque visite de Dawson, je me rends au Midnight Dome, mais je ne me lasse pas de la vue à 360°. Je m’assoie quelques instants avec Ouna, le soleil fait une percée à travers les nuages. Nous en profitons pour nous réchauffer jusqu’au plus profond de nous, car la météo de la dernière semaine n’a pas été très clémente.
En redescendant, je m’arrête au Bonanza Motel pour ma traditionnelle douche post-Tombstone (1 $, 2 minutes d’eau), puis achète quelques fruits et légumes pour la suite du voyage : j’ai décidé, je continue le road-trip vers Faro et la South Canol Road.
Il est déjà près de 19 h, je me gare au casino où je compte passer la soirée pour voir les spectacles de can-can de cette année, puis marche jusqu’au Triple J pour le dîner. J’y rencontre Cera, une canadienne qui habite à Dawson depuis sept ans et qui mange avec deux amies. Elle m’invite à me joindre à elles, ce que je fais. J’aime la solitude et la routine qu’Ouna et moi avons, mais j’avoue que ça fait du bien de papoter un peu, surtout avec Eva, une Native originaire du Nouveau-Mexique (aux États-Unis), qui voyage seule en moto et qui vient aussi d’aller à Tuktoyaktuk. Elle compte se rendre jusqu’en Patagonie. Bonne route à elle.
Avec ce dîner tardif, je manque le premier spectacle de can-can, mais il y en a deux autres pour se rattraper. Assise au fond du casino, j’observe les gens jouer au blackjack, poker ou machines à sous en sirotant un cidre, attendant 22 h, puis minuit pour voir les danseuses en action. J’observe tellement d’ailleurs qu’un joueur à la table de poker souhaite m’offrir un verre… Je décline l’offre poliment.

Minuit et demi passé, je retourne à la voiture et passe la nuit sur le parking du centre des visiteurs.