Les Trois Cols

Dans cet article :

Vers Dzongla… Ce chemin, une fois quittée la voie de l’Everest, est le meilleur souvenir de mon trek. © Kelly Tabuteau

Kongma La : le premier col du trek

Trek des Trois Cols, jour 12 : de Chukhung à Pyramid, via Kongma La

📅 19 octobre 2022
🥾 11,8 km / 1 140 m D+ / 880 m D-

Pele et moi avions décidé de partir à 6 h 30, car on nous avait dit de compter neuf à dix heures de marche. Il y a quelques jours, j’avais même étudié la possibilité d’engager un porteur juste pour aujourd’hui tellement tout le monde me disait que Kongma La était difficile. Du coup, je commençais à douter de mes capacités, surtout à une altitude où je n’étais encore jamais allée (5 540 mètres). Mais le prix – 7 000 roupies népalaises sans la nourriture — m’en avait dissuadée.

Je retrouve donc Pele pour le petit déjeuner à 6 h. Nous sommes à la fois excités et anxieux par ce qui nous attend, si bien que nous sommes un peu lents et brouillons… Nous ne quittons l’auberge qu’aux alentours de 6 h 50.

Et c’est parti, pour le plus haut col du trek : Kongma La. © Pele L.

La première partie monte gentiment et nous avançons à bonne allure jusqu’à une sorte de plateau où nous faisons une première pause collation. Nous sommes entourés de parois rocheuses, c’est de toute beauté ! Pele est devant. Il marche d’un bon pas. Je suis un peu plus lente derrière, mais je maintiens le rythme, du moins jusqu’à ce que la pente s’accentue.

J’ai l’impression de devoir gravir un mur. Pele gambade presque alors que je manque d’oxygène. Une inspiration, un pas, une expiration, un pas… voilà la douce mélodie qui rythme mon ascension. Pele, patient, m’attend régulièrement et m’encourage. Pendant l’effort, j’ai mal à la tête, premier signe bénin du mal des montagnes. La douleur disparaît dès que nous nous arrêtons, il n’y a donc pas de quoi s’inquiéter.

Après ce qui me semble une éternité, nous arrivons à un autre plateau où une pause collation est de nouveau nécessaire. Nous sommes rejoints par un jeune de l’Ohio qui décide de faire sa pause avec nous.

Avec une nouvelle énergie, nous nous remettons en marche. Les paysages changent brusquement : çà et là, des lacs alpins et des glaciers. J’ai de la difficulté à réaliser ce que je suis en train de vivre, tellement cela me semble irréel.

Un dernier push sur un terrain raide et accidenté — avec le vide sur notre gauche, et nous arrivons au col. Il nous aura fallu quatre heures et quarante-cinq minutes. Il n’y a quasiment personne et nous nous octroyons une longue pause bien méritée. Pele nous prépare un thé chaud puis nous dégustons le sandwich que nous avions commandé pour ce midi. Nous restons ainsi une bonne heure au col, sans un pet de vent, c’est juste magique !

Kongma La, 5 540 mètres d’altitude. © Kelly Tabuteau
Kongma La, 5 540 mètres d’altitude. © Le jeune de l’Ohio
Kongma La, 5 540 mètres d’altitude. © Kelly Tabuteau

Enfin, nous nous motivons à reprendre notre marche. Une longue descente à pic nous attend jusqu’au glacier du Khumbu, près de Lobuche. Ça descend relativement bien, mais c’est vraiment long !

Y’a plus qu’à redescendre maintenant. © Kelly Tabuteau

Arrivés au glacier, nous devons remonter un peu pour pouvoir le traverser. Je réalise à ce moment-là que je n’ai plus d’énergie. Une fois sur le bord du glacier rocheux, nous nous trouvons face à un lac qu’il va falloir contourner… Le mental flanche. Mais, tant bien que mal, nous parvenons à Lobuche après avoir escaladé de nombreux rochers et marché plusieurs centaines de mètres en ups and downs.

Glacier Khumbu. © Kelly Tabuteau

Je dois dire au revoir à Pele, car il a réservé une chambre dans le village où il retrouvera Benny. Emese et moi avions réservé une chambre dans le village Pyramid à deux kilomètres de là… Je suis vraiment heureuse d’avoir partagé cette journée avec lui, et me retrouver seule sur ces deux derniers kilomètres me serre le cœur. Mais je n’ai pas le choix, je dois continuer.

Affaiblie, je continue donc à marcher. Après trente minutes, je retrouve enfin Emese. Ça me fait tellement plaisir de la voir ! Par contre, dès que j’entre dans l’auberge, je loupe le pas de la porte et me tords la cheville. La douleur irradie tout de suite. Je suis obligée de m’arrêter en plein milieu de la porte pour respirer en priant que ce ne soit rien de grave.

Emese me montre notre chambre. J’y dépose mon sac et vais directement me doucher, une douche chaude qui me permet de me laver les cheveux, la première fois depuis le début du trek ! Ça fait un bien fou !

Je retourne ensuite auprès d’Emese dans la salle commune de l’auberge. Nous nous racontons nos journées respectives en dînant. Nous ne nous éternisons pas, fatiguées, mais surtout exaspérées par le comportement irrespectueux des groupes présents.

Aujourd’hui était clairement un beau défi. Ça a été une journée difficile. J’ai été lente, mais je suis tellement contente et fière d’avoir réussi à franchir ce col, qui plus est en bonne compagnie et avec mon sac d’une quinzaine de kilos.

Au coucher, la cheville va mieux, même si je la sens sur quelques mouvements.

Bain de foule sur la voie du camp de base de l’Everest

Trek des Trois Cols, jour 13 : de Pyramid à Gorak Shep

📅 20 octobre 2022
🥾 11,0 km / 575 m D+ / 410 m D-

Ce matin, Emese et moi nous levons de bonne heure, car nous voulons partir avant le grand groupe de l’auberge. Nous prenons donc notre petit déjeuner à 6 h 15, payons et partons. Nous avons la surprise de constater que nous ne pouvons pas payer nos repas à la consommation, mais selon un forfait journalier, ce qui nous rend grandes perdantes… Si nous avions su, nous aurions rechargé nos téléphones et certainement pris un petit déjeuner plus copieux… enfin bref…

Nous avons une petite étape jusqu’à Gorak Shep (5 164 mètres d’altitude), mais je me sens faible. La journée d’hier a dû puiser dans les réserves ! Bien que le dénivelé ne soit pas important, je peine à mettre un pied devant l’autre… En plus, depuis Lobuche, nous avons rejoint la voie du camp de base de l’Everest, une voie surfréquentée par des personnes sans guide tout comme des groupes. Ici, c’est chacun pour soi : les gens sont irrespectueux, forcent le passage et ne disent jamais ni bonjour ni merci… Je suis frustrée, mais je tente de rester calme, car s’énerver contre tout le monde ne servirait à rien.

Nous remontons le long du glacier Khumbu. © Kelly Tabuteau

Il y a parfois des embouteillages : des gens qui ne peuvent se croiser à cause de l’étroitesse du sentier, des personnes qui ont engagé un âne pour se rendre au camp de base et qui prennent toute la largeur du sentier, ou encore des caravanes de yaks qui monopolisent le chemin.

Après deux heures et vingt minutes à serpenter dans la moraine, nous rejoignons Gorak Shep et partons à la recherche d’une chambre. Nous craignons de ne rien trouver, car nous n’avons rien réservé, mais nous trouvons finalement rapidement. Nous sommes dans une chambre triple (et payons donc plus cher), mais au moins, nous avons une chambre.

Enfin, nous arrivons à Gorak Shep. © Kelly Tabuteau

Nous nous allongeons quelques minutes sous les couvertures (car il fait un froid de canard dans la chambre), mais je réalise que je meurs de faim. Je redescends donc dans la salle commune et commande du riz avec des œufs. Emese me rejoint peu de temps après et une fois mon « brunch » avalé, nous nous préparons pour aller jusqu’au camp de base du mont Everest.

Nous sommes chanceuses, car il n’y a pas trop de monde. Le sentier oscille entre surfaces sablées et blocs rocheux. L’altitude rend la progression lente… Nous commençons à avoir l’habitude !

Il nous faudra une heure et quarante minutes pour rejoindre le camp de base, qui n’en est pas vraiment un à cette période de l’année, car les expéditions sont finies. Il n’y a donc ni tentes ni alpinistes, seulement un gros rocher où les touristes se font prendre en photo. Je me mets dans la file et attends patiemment mon tour.

Une fois la photo faite, nous nous promenons un peu sur le site puis rebroussons chemin.

De retour à l’auberge, nous sommes surprises de voir que toutes les tables sont réservées pour les groupes… l’auberge est immense et nous devons être pas loin de cent cinquante personnes ici… Il y a quelques tables où sont rassemblées les personnes de plusieurs chambres. Nous finissons par trouver la nôtre et nous y installons. Nous faisons la connaissance d’un sexagénaire allemand, d’un couple anglo-tchèque, d’un Canadien et d’un français, Laurent. Notre table internationale échange sur les expériences vécues sur les itinéraires choisis pour arriver à Gorak Shep. Laurent nous informe qu’il empruntera la même route qu’Emese et moi demain. Nous prévoyons donc nous retrouver demain soir, à Dzongla.

Dès notre dîner fini, nous remontons dans la chambre, nous couvrant comme nous pouvons pour ne pas avoir froid. Il est encore de bonne heure, mais avec la température glaciale de la pièce et l’humidité ambiante, nous ne pouvons rien faire d’autre que de rester allongées sous toutes ces épaisseurs.

Trek des Trois Cols, jour 14 : de Gorak Shep à Dzongla

📅 21 octobre 2022
🥾 15,2 km / 805 m D+ / 1 145 m D-

Aujourd’hui, c’est une journée solo. Je ne retrouverai Emese que ce soir à l’auberge puisque je souhaite tenter l’ascension de Kala Patthar, le plus haut sommet de mon aventure (5 640 m). C’est surtout le sommet duquel je pourrais voir l’Everest au plus prêt… car du camp de base de l’Everest, on ne voit pas l’Everest ! Emese, elle, a déjà gravi Kala Patthar il y a quelques années et ne souhaite pas y retourner.

Je me lève à 5 h, range mes affaires et me mets en marche à 5 h 30, couverte comme jamais et guidée par la lueur de ma frontale. Après une quinzaine de minutes, je peux déjà éteindre ma lampe, mais je peux surtout retirer une couche de vêtement tellement j’ai chaud.

Un pas après l’autre, une respiration après l’autre. Je ne fais pas de pause. La progression est lente, mais continue. Le tout dernier tronçon est plus fatigant : je navigue dans un pierrier géant. À cette altitude, la discontinué des pas épuise. Je sens mon cœur accélérer et ma respiration devenir irrégulière, au point que je dois faire quelques pauses pour reprendre mon souffle.

Après une heure et quarante-cinq minutes d’ascension, me voilà au sommet de Kala Patthar avec une vue sur le mont Everest. La luminosité n’est pas la meilleure, mais ça reste de toute beauté. Puis je suis au soleil, ce qui me permet de réchauffer mes pieds frigorifiés.

Mon eau a en partie gelé dans ma gourde et la barre de céréales que je m’octroie est dure comme de la roche… Ce ne sera pas la meilleure pause collation de ma vie, mais je reprends un peu d’énergie, mon dernier repas datant de la veille.

Je pourrais rester des heures ici ! © Kelly Tabuteau

La descente se fait beaucoup plus rapidement. Je suis de retour à l’auberge vers 8 h 30. J’y récupère mon sac à dos et me mets en route pour Lobuche. Sur le chemin, je croise les mêmes types de personnes que la veille et je tente de rester calme. Il y a de nombreux embouteillages, et toujours de l’irrespect et de l’égoïsme… J’ai hâte de quitter cet endroit. Entre deux groupes, je repère deux visages familiers : Benny et Pele montent au camp de base de l’Everest. Nous nous serrons dans les bras, échangeons rapidement quelques mots, avant d’être happés dans nos directions respectives par le flot de personnes.

Il me faudra une heure et trente minutes pour rejoindre Lobuche où je m’octroie une pause de trente minutes pour prendre mon petit déjeuner à la plus haute boulangerie du monde (4 940 mètres) : un chocolat chaud et un brownie, de quoi me donner le coup de jus nécessaire pour poursuivre ma marche de la journée.

La plus haute boulangerie du monde est à Lobuche. © Kelly Tabuteau

Destination suivante : Dzongla. Une vingtaine de minutes après avoir quitté Lobuche, je bifurque sur un sentier étroit sur ma droite, le sentier menant au col Cho. Je quitte enfin la fameuse autoroute des trekkeurs et trekkeuses du camp de base de l’Everest et je me retrouve presque seule… Je revis après ces deux jours compliqués à cause de la foule !

Le chemin est, qui plus est, magnifique, un étroit passage à flanc de montagnes avec des panoramas à couper le souffle, d’abord sur la vallée de Pheriche, puis sur le lac Chola, d’un bleu turquoise irréel, surplombé par le mont Cholatse. Je fais de nombreuses pauses pour m’imprégner des lieux, c’est de toute beauté !

L’arrivée sur le lac Chola est magique. © Kelly Tabuteau
Arrivez-vous à apercevoir Dzongla ? © Kelly Tabuteau

À 13 h 15, après une dernière montée, j’atteins le village de Dzongla et retrouve Emese à l’auberge qu’elle a choisie pour la nuit. Je pose mes affaires et commande une soupe pour le déjeuner.

J’entends un couple de Français se vanter de faire le Trek des Trois Cols en dix jours. Je trouve cela vraiment stupide de se mettre en danger ainsi, en ne respectant pas les règles d’acclimatation et de s’en vanter. Résultat, le lendemain matin, la nana souffre du mal aigu des montagnes… et le couple doit changer son itinéraire pour redescendre au plus vite.

Quelques heures plus tard, alors que je me repose dans notre chambre, Emese arrive, paniquée, se plaignant de gonflement dans la gorge. Elle a du mal à respirer et du mal à avaler. Nous supposons une allergie quand je remarque des plaques d’urticaires partout sur son corps. Elle prend un antihistaminique, mais la situation n’a pas l’air de s’arranger. Il n’y a pas de médecin ici et l’hôpital le plus proche est à trois heures de marche, juste ce qu’il reste de lumière naturelle pour aujourd’hui.

Déçue et peinée, Emese prend la décision d’engager un porteur pour porter son sac et de se rendre à l’hôpital pour faire un bilan, car si la situation s’aggrave pendant la nuit, nous ne pourrons rien faire. C’est le cœur serré et avec quelques larmes que nous nous disons au revoir, nous promettant de nous revoir à Katmandou.

Je m’installe alors dans la salle commune. Laurent y débarque quelques minutes plus tard. Nous décidons d’affronter le col Cho ensemble demain. Nous passons une bonne soirée à parler de tout et de rien, à refaire le monde et à échanger sur nos expériences de voyage — Laurent a fait un tour du monde il y a quelques années. Puis nous retournons dans nos chambres respectives.

Avant de m’endormir, la propriétaire de l’auberge me confirme qu’Emese a vu un docteur et qu’elle va bien. Il ne sait pas vraiment ce qui a causé cette réaction, peut-être une allergie, peut-être l’altitude… mais tout ce qui compte, c’est qu’elle aille bien !

Cho La : un deuxième col glacé

Trek des Trois Cols, jour 15 : de Dzongla à Dragnag via Cho La

📅 22 octobre 2022
🥾 9,3 km / 710 m D+ / 835 m D-

7 h 15, Laurent et moi sommes en route pour une journée intense : la traversée du col Cho (5 420 mètres d’altitude). Prêts à en découdre, nous sommes motivés pour venir à bout d’une belle et difficile ascension.

C’est parti pour le deuxième col : Cho La, 5 420 mètres d’altitude. © Kelly Tabuteau

En quittant le village, le sentier est assez facile et monte graduellement. Nous conservons un rythme lent pour ne pas nous épuiser et garder notre énergie pour les passages plus difficiles. Le premier arrive plus vite que nous ne le pensions : une ascension très raide dans un pierrier, où des blocs rocheux ont été agencés en escaliers. L’irrégularité de l’avancée m’épuise et je dois faire une pause en haut pour reprendre mon souffle. Laurent, lui, a l’air frais comme un gardon !

© Kelly Tabuteau

Nous continuons l’ascension. Ce n’est plus si raide même si ça monte toujours. Nous atteignons le glacier Cho, dernière ligne droite avant le col. Je chausse mes crampons et c’est parti ! Une fois au bout du glacier, une dernière courte, mais raide ascension sur la roche nous attend et nous voilà au col !

Nous sommes chanceux, car il n’y a pas grand monde au col, nous profitons donc du lieu juste pour nous. Pause déjeuner, photos et après quarante-cinq minutes, nous amorçons la descente de l’autre côté du col, vers Dragnag.

La première partie est très raide à la descente. Laurent court presque alors que je prends davantage mon temps pour assurer mes appuis et protéger ma cheville que je sens toujours sur quelques mouvements.

Ensuite, le sentier est relativement plat et nous avançons bien. Nous devons ensuite remonter et la motivation n’est plus trop là.

Nous prenons donc un rythme lent, mais remontons assurément jusqu’à 5 150 mètres.

Une fois en haut, c’est une longue descente de deux kilomètres qui nous attend. Elle semble interminable. Je suis fatiguée et j’ai hâte d’arriver ! Quand soudain, au détour d’un virage, j’aperçois le village. Je ne peux m’empêcher de pousser un cri de joie. Laurent, lui, secoue les bras vers le ciel en signe de victoire.

Il est 13 h 45 quand nous arrivons à l’auberge recommandée par la propriétaire de la veille. Nous décidons de partager une chambre par souci d’économie. Puis nous passons le reste de la journée à nous reposer, à papoter et à refaire le monde.

La région de Gokyo

Trek des Trois Cols, jour 16 : de Dragnag à Gokyo

📅 23 octobre 2022
🥾 8,1 km / 980 m D+ / 890 m D-

La journée s’annonce plus calme aujourd’hui, alors Laurent et moi décidons de nous octroyer une grasse matinée. Nous ne nous mettons en route qu’après 8 h 30.

À 8 h, la salle commune est vide ! © Kelly Tabuteau

De Dragnag, nous nous rendons à Gokyo, à un peu plus de deux heures de marche. Si la première partie de notre marche est facile (nous remontons gentiment dans une vallée), la seconde est un peu plus complexe, avec de nombreux ups and downs et quelques passages dangereux. Nous sommes en train de traverser le glacier Ngozumpa — nous avons parfois du mal à réaliser qu’il s’agit d’un glacier puisque toute la glace est recouverte de roches. Cette traversée est loin d’être une promenade de santé ! Mais les vues sur les montagnes environnantes et les mini lacs valent tous les efforts du monde.

Nous arrivons à Gokyo après deux heures et vingt minutes d’effort. Nous sommes accueillis par le lac Dudh Pokhari, d’un turquoise intense et hypnotisant. On m’avait dit que Gokyo serait la cerise sur le gâteau de mon séjour, et je dois reconnaître que je suis sous le charme.

Nous nous rendons à l’auberge recommandée par le propriétaire de la veille (c’est chouette ainsi, pas besoin de magasiner une auberge, nous faisons confiance). Nous prenons une tasse de thé et un calzone au chocolat (avec un mars) en guise de collation.

Calzone au mars… un régal que nous nous partageons. © Kelly Tabuteau

Nous nous reposons un peu, puis à 13 h, nous commençons l’ascension de Gokyo Ri qui promet des vues superbes sur l’Everest.

And so it begins ! (Qui a la réf ?)

Je me sens fatiguée et la montée met à rude épreuve autant mon corps que mon mental. Je dis à Laurent de continuer sans m’attendre, que nous nous retrouverons au sommet, mais il ne veut pas me laisser et me motive. Je suis obligée de faire une pause collation pour tenter de me redonner de l’énergie, ce qui ne fonctionne pas vraiment.

Tout est plus joli avec de la hauteur, je trouve. © Kelly Tabuteau

Il nous faudra un peu plus de deux heures pour atteindre le sommet, à 5 357 mètres. Malheureusement, nous sommes dans le nuage… nous n’aurons donc pas la chance de profiter de belles vues ! Je suis déçue pour Laurent, car il aurait peut-être pu arriver avant le nuage s’il ne m’avait pas attendu…

Nous restons de longues minutes au sommet dans l’espoir de voir la météo s’arranger, mais force est de constater que le nuage ne va pas partir… Nous entamons alors la descente.

Moment contemplation pour Laurent qui m’attend patiemment. © Kelly Tabuteau

Nous sommes de retour à l’auberge un peu après 17 h, exténués de notre journée. Demain, nos chemins se sépareront alors nous profitons de notre dernière soirée ensemble. Nous avons une conversation très intéressante sur les yaks poop. Ici, puisqu’il n’y a pas d’arbres, les poêles à bois utilisent des galettes à base de cacas de yak et de paille. Ne voyant aucun yak vivre à cette altitude, nous nous demandions d’où provenaient les yaks poop. Et bien, nous avons élucidé le mystère, de vrais Sherlock Holmes… Ce sont des porteurs qui les apportent !

Avant d’aller au dodo, j’achète une carte wifi pour appeler papa et maman. La connexion est bonne et nous pouvons enfin nous parler pour de vrai. Ça fait du bien !

Trek des Trois Cols, jour 17 : Randonnée au nord de Gokyo

📅 24 octobre 2022
🥾 14,3 km / 570 m D+ / 570 m D-

Petit-déjeuner à 7 h ce matin. Il fait vraiment beau, alors Laurent décide de retenter Gokyo Ri. Je ne l’accompagne pas, me souvenant de la galère de la veille. La vue depuis mon prochain col est censée être similaire de toute façon. Nous nous disons donc au revoir, lui retournant directement à Namche Bazar, par la vallée, après son ascension.

Pour moi, ce sera direction le 4e et 5e lac de Gokyo, Thonak Tsho et Ngozumpa Tsho. Peut-être que je pousserai jusqu’au camp de base de Cho Oyu (sommet culminant à 8 188 mètres d’altitude, à la frontière entre le Tibet et le Népal) si ma forme le permet. Je me mets en route à 7 h 30, remontant dans une belle vallée rocailleuse entourée de pics enneigés. Je sens que mon corps est fatigué… Je suis lente et je peine à avancer alors que le chemin n’est pas très complexe.

© Kelly Tabuteau

Rapidement, j’atteins le 4e lac, Thonak Tsho. Encaissé, il est magnifique. Je poursuis encore plus loin dans la vallée, double un groupe de quatre personnes, puis un homme solitaire russe. Il prévoit de se rendre au camp de base également. Nous décidons alors de faire un petit bout de route ensemble. Je finis par le distancer et continue ma journée seule.

J’arrive au 5e lac, Ngozumpa Tsho. J’envisage sérieusement de faire demi-tour ici tellement je me sens faible. Il faut dire qu’entre la marche tous les jours, l’altitude et ma bataille avec les microbes depuis dix jours (oui oui, je tousse toujours et j’ai toujours mal à la gorge), mon corps a peut-être besoin d’un peu de repos ! Je monte sur la crête près du glacier Ngozumpa d’où j’ai une superbe vue sur l’Everest et Lhotze. Je croise une femme slovaque qui attend le reste de son groupe parti à l’ascension du pic Ngozumpa. Nous papotons alors que je fais ma pause collation, puis le russe nous rejoint.

Je décide de le suivre vers le camp de base, mais après un kilomètre, je change d’avis et fais demi-tour, car je suis vraiment fatiguée.

Le retour me semble long… une quinte de toux me prend, à m’en faire vomir. Il est vraiment temps que j’arrive à l’auberge où je pourrai me restaurer et me reposer. En fin d’après-midi, je me décide à aller à la clinique du village. Le médecin me prescrit des antibiotiques et des anti-inflammatoires pour traiter l’œdème dans ma gorge.

Je devais repartir dès le lendemain pour mon dernier col, mais je suis tellement affaiblie physiquement que je m’octroie un jour de repos supplémentaire à Gokyo pour tenter de regagner le plus d’énergie possible.

C’est ma première soirée seule depuis un petit moment et je trouve le temps long. Je commande mon dîner pour 18 h 30, puis rejoins ma chambre. Ce soir, ce sera Netflix et lecture.

Journée de repos à Gokyo

📅 25 octobre 2022

Je me lève vers 8 h pour aller prendre mon petit déjeuner, mais une fois rassasiée, je retourne me coucher pour essayer de donner à mon corps tout le repos dont il a besoin. Je laisse quelques messages vocaux à des proches, regarde Netflix, lis, dors.

À 18 h, je prends mon dîner. Je refais tout mon sac, puis je vais me coucher, prête à en découdre avec ma longue journée solitaire du lendemain.

Renjo La : une émotion palpable

Trek des Trois Cols, jour 18 : de Gokyo à Marulung, via Renjo La

📅 26 octobre 2022
🥾 14,2 km / 780 m D+ / 1 400 m D-

J’entame cette journée sereine, toujours avec un corps fatigué et faible, mais avec un mental d’acier. Il n’y a « que » 780 mètres à gravir pour atteindre Renjo La (5 360 mètres d’altitude). Pas grand-chose donc par rapport à ce que j’ai l’habitude… À ces altitudes cependant, ça semble presque insurmontable.

Je prends un rythme lent alors que je longe le 3e lac de Gokyo, Dudh Pokhari. Rapidement, je double un groupe d’une dizaine de personnes qui galère un peu dans une portion un peu plus escarpée. Je suis partie depuis une heure et trente minutes, et j’ai faim. Je m’arrête donc pour une pause collation. Le groupe me dépasse à nouveau. Nous jouons ainsi au chat et à la souris jusqu’au col : je le rattrape alors qu’il s’arrête pour se ravitailler, il me rejoint alors que je fais une nouvelle pause une heure plus tard. Je tousse toujours beaucoup et ça inquiète le guide du groupe qui me propose des médicaments. Je le remercie de son attention lui assurant avoir tout ce qu’il faut pour me soigner.

Après quatre heures de marche, j’atteins enfin Renjo La, le dernier col de mon trek, avec un immense sourire sur le visage et les yeux humides. Le panorama sur Gokyo et l’Everest est sublime, mais ce n’est pas ce qui me marque le plus. Ce que je retiens de ce col, c’est l’émotion, presque palpable, qui y règne.

Il y a les personnes qui font le trek dans le sens horaire et pour qui il s’agit du premier col. Encore en forme physiquement, elles sont excitées de découvrir, pour la première fois depuis le début de leur circuit, le mont Everest. Derrière moi, il y a même cet homme qui pleure bruyamment de joie et de fierté pour avoir atteint son premier 5 000 mètres.

Et il y a les personnes qui, comme moi, savourent leur réussite d’être parvenues à franchir trois cols à plus de 5 000 mètres d’altitude, sans vraiment réaliser ce qu’elles viennent d’accomplir. Chacune d’entre elles vit ce moment différemment. Certaines ont le réflexe de se prendre en photos sous tous les angles, d’autres s’assoient au sol, le sac toujours sur le dos, les yeux brillants, un sourire béat que rien ne peut troubler.

Oui mon corps est fatigué, mais il est encore capable de me porter et de me faire vivre ce moment si intense. Un moment de joie pure, de gratitude et de laisser-aller. La dernière fois que j’avais ressenti une émotion semblable, c’était lors de ma randonnée sur les traces de Sam McGee.

Je l’ai fait !! Renjo La, 5 360 mètres d’altitude. © Kelly Tabuteau

Mais aujourd’hui, cette émotion est encore plus profonde. Malgré le deuil d’Ouna, malgré mon surpoids, malgré l’inflammation de ma gorge et de mes bronches qui dure depuis douze jours, et malgré mon départ du Canada en solitaire au lieu d’en binôme, j’ai réussi mon trek, entourée de très belles personnes rencontrées sur le chemin et de paysages surréels.

Je suis tellement émue que j’ai de la difficulté à quitter le col pour reprendre la marche. Il me reste pourtant une dizaine de kilomètres à parcourir avant de m’installer pour la nuit. À contrecœur, je jette un dernier coup d’œil au mont Everest, puis je puise la force de continuer après m’être laissée envahir par l’énergie des autres personnes présentes.

Je suis tellement euphorique que je ne vois pas la descente passer. Je trouve une auberge à la sortie du village de Marulung, et je ne le sais pas encore, mais je m’apprête à passer la meilleure soirée de mon séjour. Deux amis allemands qui commencent leur trek des Trois Cols dans le sens horaire arrivent. Nous sommes rejoints pas un Français, naturaliste, sur les traces de la panthère des neiges. Les conversations sont intéressantes. Ça parle de faune, de flore, de méditation ou de montagnes.

Après le repas, chacun prend sa chaise pour se mettre autour du poêle. Très vite, les propriétaires de l’auberge viennent agrandir le cercle. Le couple nous raconte ce qu’est la vie dans ce petit village, rythmée par les va-et-vient des trekkeurs et trekkeuses, la gestion de ses bêtes et de son potager et l’organisation des ravitaillements plus imposants nécessaires pour ses affaires d’aubergiste. Cette soirée vient clôturer à merveille une journée riche en émotions.

2 réflexions sur “Les Trois Cols

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