Le Chilkoot Trail, une randonnée pas comme les autres !

 

J’ai beau être heureuse avec le choix que j’ai fait, cela n’enlève pas la peine de vivre loin des siens…

 

J’en « connais » d’autres, qui ont tout quitté du jour au lendemain, pour vivre loin des leurs, bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons que moi ! Été 1897, un an après la découverte d’or dans Rabbit Creek, ce sont des milliers de chercheurs qui se retrouvent sur la route, direction Dawson City, avec l’espoir de devenir riche un jour, en prospectant sur une des concessions les plus aurifères de la région. Et la plupart d’entre-eux n’avait aucune idée de l’expédition dans laquelle ils s’embarquaient… Car passer le col Chilkoot avec les 520 kilogrammes d’équipement et de vivres imposés par le gouvernement canadien, c’était tout, sauf facile ! Il en reste aujourd’hui, un sentier de randonnée mythique et chargé d’histoire, que j’ai parcouru, en solo, à la fin du mois de juillet. Retour sur une expérience riche en émotions !

Après des mois d’attente, que dis-je ? des années d’attente, me voilà enfin prête à fouler la piste empruntée par quelques 30.000 hommes et femmes pendant l’hiver 1897-1898. Partagée entre impatience, excitation (on en parle de ma danse de la joie ?) et appréhension, c’est complètement agitée que je prends la route de Skagway, en Alaska, le jeudi 27 juillet matin, avec un sac à dos blindé, pour trois jours de randonnée en totale autonomie. Arrivée à destination, tout s’enchaîne très vite entre la séance d’orientation obligatoire réalisée par un ranger alaskan et la navette qui me dépose à Dyea, une quinzaine de kilomètres plus loin, lieu de départ de la piste du Chilkoot. L’aventure commence enfin !

PVT Canada_Lily's road_Chilkoot trail_Départ

Jour 1 : Dyea – Sheep Camp, par Canyon City

Je m’élance, seule, sur le sentier. Il est juste là, devant moi, et s’enfonce déjà dans la forêt humide, si caractéristique de la chaîne côtière du Nord-Ouest de l’océan Pacifique. Malgré les nombreuses randonnées effectuées depuis mon arrivée au Yukon, je galère quelque peu à trouver mon rythme. Il faut dire que je ne suis plus vraiment habituée à marcher avec un sac de 18 kilos sur le dos ! Je me sens lourde et lente, mais rien ne peut ôter le sourire béat qui est figé sur mes lèvres depuis que je me suis réveillée ce matin-là. Et puis, je relativise assez rapidement, quand je prends conscience que mon barda est loin d’être aussi pesant que celui des pionniers de l’époque ! Je serpente gentiment dans cette immense forêt d’un vert éclatant, qui, par moment, me rappelle la forêt des Trois Pignons près de Fontainebleau en France, dépassant d’anciens villages prospères, aujourd’hui complètement abandonnés et dans lesquels la nature a repris ses droits depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, il ne reste, sur place, que quelques vestiges et des panneaux d’information avec photos d’époque.

J’avoue qu’il est difficile d’imaginer la vie ici, un siècle plus tôt, quand l’agitation régnait, quand le téléphone permettait les communications avec Dyea ou encore quand l’électricité éclairait les rues sommaires de Canyon City, puisque devant moi, je ne vois plus qu’une végétation luxuriante ! Bref, après vingt-quatre kilomètres, j’atteins Sheep Camp, le dernier campement avant le col Chilkoot, j’installe ma tente, puis retrouve deux groupes de marcheurs avec lesquels je sympathise : deux amies canadiennes croisées plus tôt dans la journée et trois copains tchèques. Nous passons la soirée tous ensemble et je constate que l’esprit « randonneurs » des longs sentiers m’avait manqué… car au Yukon, on croise rarement du monde lorsque l’on gravit une montagne ! Après le discours d’un autre ranger alaskan sur l’état de la piste pour le lendemain, sur les conditions météorologiques attendues et sur l’histoire de Sheep Camp, je m’endors rapidement, impatiente de découvrir ce que le deuxième jour me réservera.

Jour 2 : Sheep Camp – Lindeman

Et quel deuxième jour ! Je ne sais pas par où commencer pour raconter cette journée de randonnée… frappée par la beauté grandiose des paysages de cette étape et la découverte de nombreux reliquats qui jalonnent la piste dès que je quitte Sheep Camp. Ce qui est sûr, c’est qu’elle restera gravée à jamais en moi…

Il est 7h40 quand je reprends la route ce jour-là. Le sentier s’élève tranquillement jusqu’à « l’escalier d’or », et j’ai parfois du mal à différencier les nuages du reste du panorama, donnant au lieu une atmosphère presque mystique, hanté par les nombreuses personnes décédées sur la piste une centaine d’années auparavant. Il ne pleut pas encore, mais ce ne serait tarder… La forêt dense laisse peu à peu place à une toundra alpine, mélange de roches et de petits arbustes. La pluie s’invite finalement dès que le dénivelé s’accentue : une pente de 45° pour atteindre le col Chilkoot ! La piste disparaît et cède place à un amas de gros rochers, rendant l’ascension beaucoup plus difficile, entre les grandes enjambées à faire et le terrain glissant. Après une heure à crapahuter tantôt sur des pierres, tantôt sur des névés, j’atteins le sommet à 1.074 mètres et commence la descente vers le lac Crater… Un de mes meilleurs moments sur le trail ! Sûrement car je ne m’attendais pas (mais alors vraiment pas) à un tel paysage après une heure dans la pluie, le vent, le froid, les rochers et la neige… La vue qui s’offre alors à moi me coupe le souffle ! Bienvenue au Canada 🙂

PVT Canada_Lily's road_Chilkoot trail_Lac Crater
La descente sur le lac Crater

Et ce meilleur moment est rapidement suivi par le pire… Bien que les paysages soient somptueux, la fatigue commence à se faire sentir et je n’ai qu’une envie, arriver rapidement à Happy Camp pour faire une longue pause afin de me réchauffer et de me restaurer. Au détour d’une montée, j’aperçois, de loin, un panneau et redoute ce que je vais y découvrir… Je pensais être proche de ma destination… et ô combien, j’avais tort ! Encore 3,2 kilomètres pour rejoindre le campement, mon moral en prend un coup et c’est un peu grincheuse que je continue ma route. Et quelle immense joie lorsque j’aperçois enfin la base ! De là, il me reste encore 9 kilomètres pour rejoindre Lindeman, mon point de chute du jour.

Je décide d’attendre Amy et Amanda (les deux amies canadiennes) pour finir la journée ensemble, parce que 1/ c’est bon pour garder la motivation malgré la fatigue, 2/ des ours ont été aperçus dans le secteur et qu’il est fortement recommandé de voyager en groupe sur ce tronçon. Et puis surtout car c’est très plaisant de partager cela avec d’autres personnes !

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Après 7h45 de marche, 21 kilomètres, 1.134 mètres de dénivelé positif et 762 mètres de descente, je peux enfin m’installer au bord du lac Lindeman, pour une douche vivifiante, un bon repas et une nuit récupératrice.

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Jour 3 : Lindeman – Bennett

C’est déjà le dernier jour de randonnée, 11,3 kilomètres me séparent du lac Bennett, où je prendrai le train qui me ramènera à Skagway. La végétation change à nouveau puisque c’est maintenant en forêt boréale subalpine que j’évolue. Aucune difficulté majeure pour cette fin de trail : le sentier sillonne le long du lac Lindeman offrant des points de vue époustouflants. Rapidement, j’arrive au lac Bennett, lac au bord duquel près de 20.000 personnes se sont alliées en mai 1898 pour construire quelques 7.000 embarcations afin de continuer leur route jusque Dawson City. Le lieu est encore fortement marqué par l’histoire de la ruée vers l’or du Klondike ; c’est ici qu’on peut contempler l’église presbytérienne Saint Andrews, le seul bâtiment de l’époque encore debout. Construite en bois, elle est tout simplement magnifique !

Le Chilkoot trail s’achève ici, après 53,1 kilomètres et trois jours de randonnée.
3 jours en solitaire et en autonomie complète ; 3 jours à fouler les terres des prospecteurs, me replongeant dans l’histoire du Yukon ; 3 jours de paysages complètement différents et de rencontres humaines riches… avec qu’une seule envie maintenant : le refaire… en plein hiver !

PVT Canada_Lily's road_Chilkoot trail_Certificat

 

« Marcher, c’est prendre le temps de vivre, de regarder, d’ouvrir ses sens à la diversité et de sentir les minutes et les heures glisser sur la peau. Quand le corps accepte sa peine, respiration et mouvement s’allient, libérant ainsi la pensée qui toute entière s’enveloppe du présent. »,
Julie Baudin et David Ducoin, Zanskar intime.

13 réflexions sur “Le Chilkoot Trail, une randonnée pas comme les autres !

    1. 🙂 oui, exploit est peut-être un peu fort, mais je suis tellement contente de l’avoir fait, de m’être replongée dans l’histoire du territoire dans lequel j’ai choisi de vivre (pour le moment du moins).
      Merci maman !

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  1. Les paysages sont superbes ! Je viens de découvrir ton blog par les Histoires expatriées et je trouve ta démarche passionnante. Je pense parfois à ces migrants qui, les siècles précédents, ont quitté leur famille, leurs amis, leur vie pour partir à la découverte d’un pays lointain, parfois contraints par les persécutions. Souvent sans espoir de revoir un jour leur terre natale et leurs proches !

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