La Dempster Highway en hiver

 

et pourtant, il n’est pas nécessaire d’être musher pour se l’approprier… Je réalise alors que j’ai encore du chemin à parcourir pour atteindre mon graal…

 

Un graal que Gérard semble avoir atteint, lui, il y a de nombreuses années… Arrivé au Yukon depuis près de trente-cinq ans, il est l’un des rares à vivre sur la Dempster Highway, seul avec sa chienne Celtic et pour voisins des arbres et le ruisseau Benson. Vous, vous l’avez peut-être aperçu au côté de Jérôme Pitorin dans un épisode d’Échappées Belles ; moi, je l’ai rencontré début décembre, par le plus grand des hasards… C’est en effet à la dernière minute que nous trouvons son auberge au kilomètre 29 de la Dempster. Nous décidons alors d’y passer une nuit avant d’aller conquérir le parc territorial de Tombstone.

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Gérard Cruchon, notre hôte !

Après notre visite de Dawson, Aurélie, Camille et moi continuons notre expédition encore plus au Nord, sur la Dempster, cette route réputée pour ses panoramas à couper le souffle mais également pour sa dangerosité. Habituellement recouverte de gravier, nous roulons à présent sur une épaisse couche de neige tassée, rendant la chaussée extrêmement glissante… Et si à Whitehorse, avant notre départ, certains nous donnaient de gros yeux d’ahurissement quand nous leur disions nos plans, ce n’était rien en comparaison avec les regards lancés par les chauffeurs croisés plus tard sur cette autoroute. Installés confortablement dans leur gros 4×4, ils semblent ne pas savoir comment réagir en nous doublant ou nous croisant. Désarçonnés par ma petite voiture citadine, leurs regards oscillent entre étonnement, stupeur et fascination…

Lily's road_PVT Canada_Dempster Highway

Quoi qu’il en soit, nous continuons notre périple… avec parfois l’angoisse que ma voiture nous abandonne… déclarant une grève inattendue face aux températures extrêmes de ces derniers jours. Même si nous connaissons la théorie (ne pas éteindre le moteur plus de deux heures d’affilées), nous ne sommes pas sereines avec ce froid. Mais nous voulons néanmoins profiter de notre road-trip. Nos raquettes enfilées, nous nous élançons donc pour une première randonnée sur un étroit sentier derrière le terrain de camping « officiel » de Tombstone. Il fait -38°, le sentier sillonne entre des arbres et c’est une chance pour nous puisque nous sommes ainsi abritées du vent ! Tant que je bouge, je ne sens pas le froid mais dès que je m’arrête, j’ai l’impression que mes orteils se transforment rapidement en un gros bloc de glace. Après une heure de marche, nous faisons demi-tour pour ne pas déroger à notre règle de base. Les batteries des téléphones, des appareils photos et des GoPros sont à plat. Nous prions pour qu’il n’en soit pas de même avec celle de la voiture… Gros coup de stress au moment de tourner la clé… mais la voiture démarre au quart de tour, alléluia !

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Nous nous apprêtons pour notre deuxième randonnée de la journée : Angelcomb Peak. Après un court trajet en voiture, nous trouvons un espace où nous stationner et commençons la légère ascension. Sans le couvert des arbres, le vent nous cingle et cela en est trop pour moi… Je ne sens plus mes mains, ni mes jambes, ce qui oblige notre petite troupe à rebrousser chemin… avec un grand sentiment de déception… Dix minutes plus tard, nous sommes de nouveau à la voiture et une surprise nous attend… une de celle dont nous nous serions bien passées… impossible de redémarrer ! Nous savons très bien qu’attendre dans la voiture que quelqu’un vienne à notre secours pourrait être fatal alors nous nous préparons à marcher le long de la Dempster. Le but : rester en mouvement et stopper le moindre véhicule qui passe afin de demander de l’aide. Juste au moment où nous quittons la voiture, un couple de Premières Nations s’arrête. Après plusieurs tentatives, Titine finit par démarrer et avec le ronronnement du moteur, l’angoisse nous quitte et le sourire revient peu à peu… avec la certitude cependant que les randonnées sont finies pour la journée ! Nous profitons juste des paysages somptueux, un filtre en noir et blanc devant les yeux, en conduisant sur cette route mythique, puis rentrons chez Gérard !

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Avec cet « exploit », nous gagnons le respect de Gérard qui jusqu’à ce moment-là se demandait ce que trois nénettes francophones venaient faire sur la Dempster en plein hiver ! Il faut dire que sa cabine est vraiment perdue au milieu de nulle part… Mais le froid de l’hiver n’atteint pas la générosité de Gérard. Notre hôte se veut chaleureux, très bon cuisinier et passionnant ! Nous ne devions rester qu’une nuit, nous nous sommes installées pour quatre jours… sous le charme complet de cette vie si calme… Ici, je me suis improvisée bûcheronne, j’ai réalisé mes premières expéditions en motoneige et j’ai apprivoisé une vie sans eau courante, à pomper l’eau de Benson Creek pour remplir la cuve de la cabine (et si en été, c’est d’une simplicité, en hiver, c’est une autre paire de manches…). J’avais trouvé mon coin de paradis avec cette auberge perdue, et surtout vaincu l’enfer de la Dempster en hiver !

Lily's road_PVT Canada_Benson Creek

Au cours de mes aventures, Gérard n’est pas la seule personne rencontrée qui vit en marge de la société. Il y en a eu beaucoup d’autres, chacune touchante à leur manière. Je me souviens notamment de celle avec Bill le trappeur, près du lac Tagish. Tanquée dans la poudreuse près de sa cabine, c’est avec une simplicité hors du commun qu’il m’est venu en aide et que nous avons brièvement fait connaissance me permettant d’en apprendre davantage sur la vie qu’il menait, en autarcie quasi-complète. Une rencontre éphémère certes, imprévue même, mais qui confirme la générosité des gens du Grand Nord !

 

« Quand tu as connu ce que je connais, t’as plus envie d’autres choses. J’ai une maison à Dawson, mais y’a des voisins… Ce qui me plaît, c’est d’être seul dans la nature et de faire de ce que je veux ! »,
Gérard Cruchon.

12 réflexions sur “La Dempster Highway en hiver

  1. Kelly. Je ne sais pas comment tu fais dans ce froid glacial (2 fois plus que dans un congélateur). Apparemment tu t’eclaques, et je suis heureux. Tu rencontres des gens formidables, humains et près à donner leur chemise pour autrui. Alors la motoneige c’est sympa ?. Essayes de voir pour fiabiliser ta voiture (cela peut quand même être dangereux lors de tes échappées). J’ai commencé à lire tes articles sur le journal « l’aurore boréale ». Je te fais pleins d’énormes bisous 😘. Continues dans ta lancée, tu en as la capacité. Tu te rappelles, je t’avais dit que tu écrivais très bien et que tu devais te lancer dans ce modèle. Tous tes articles sont merveilleux, avec de très beaux textes accompagnés de magnifiques photos (grâce à toi, nous voyageons). Encore mille bisous

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    1. Hello Willy,
      Merci d’être toujours présent et de suivre mes aventures 😉
      La motoneige, c’est vraiment sympa mais cela ne vaut pas le traîneau… puis c’est autant peu fiable qu’une voiture !! Malheureusement, passé les -35, y’a pas grand chose qui peut être fait, même sur les autos récentes ! (paraîtrait que certains constructeurs ont installé un système permettant aux voitures de démarrer automatiquement quand le thermomètre passe le seuil des -30 !!!).
      Mais plus d’inquiétude, le Printemps est bien arrivé ici aussi : +20 l’après-midi en plein soleil 🙂
      Tout fond, tout est boueux et tout est marron.
      Pas la meilleure saison donc, mais j’ai vraiment hâte de découvrir comment les paysages vont se métamorphoser une fois cette transition passée…
      Bises à toi et Cathy !

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  2. Si tu as l’occasion de remonter la dempster jusqu’à Inuvik et même faire la route de glace jusqu’à Tuktuyactuk, c’est juste grandiose. Le bonjour à Gérard 😀

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    1. Salut Nelly,
      Ça va être trop tard pour moi cette année et pas sûre de pouvoir tenter l’expédition l’année prochaine non plus avec la campagne de travaux que le gouvernement a lancé… À voir donc !
      Et toi, où en es-tu de tes projets de retour ici ?

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      1. C’est vrai, j’avais oublié pour les travaux.
        Pour ma part, la saison d’hiver touche à sa fin en Savoie. Je prends un avion en mai direction le Colorado, puis je remonterai en Alaska, j’ai un plan de volontariat que j’aimerais faire. Et je rebasculerai dans la Yukon via Dawson et Whitehorse où un avion m’attends fin août pour Vancouver, et je rentrerai en France. Peut-être se verra t on! 😁 Tu es dans le Yukon jusqu’à quand ?

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  3. oh wow quelle aventure, je dois dire que je suis admirative wow !!! vous m’avez impressionner les filles, car en effet cette route est tres dangereuse surtout le ice road mais je crois que vous ne l’aviez pas atteint. Et vivre cette experience avec Gerard c’est exceptionnel, je vous envie !! 🙂 Plus authentique, vous ne pouviez pas faire !!!

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    1. Ohhh merci 🙂
      Non, on s’est arrêté avant en effet… À voir si j’aurais encore l’occasion de la faire l’année prochaine mais il me semble que les travaux achèvent…
      Et oui, Gérard est un hôte exceptionnel ! J’en déduis que tu l’as également rencontré ?

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