La meute

 

Je m’endors en songeant à l’avenir, à toutes ces belles choses que me promet chaque lendemain.

 

La douce mélodie de mon réveil s’active ; il est 7h30, il est temps de se lever. Il est surtout temps d’aller saluer mes collègues et de prendre soin d’eux… Me voilà affublée de mes trois couches, prête à affronter le -10° de ce matin, bien que nous ne soyons que mi-octobre. Puis direction le chenil, à moins de cinquante mètres du chalet.

Dès que j’ouvre la porte et fais deux pas sur la terrasse, cinquante paires d’yeux se braquent sur moi et l’impatience de leur propriétaire ne tarde pas à se faire sentir : aboiements, jappements, sautillements, … elles n’attendent qu’une seule chose, le moment où je leur passerai leur harnais, signe que le départ est proche.

Parmi eux, il y a la vieille Pinto, bientôt dix-sept ans, un hurlement reconnaissable entre tous, et même si elle ne peut plus courir, son « will to go »(1) ne l’a pas vraiment quittée ; il y a Douce, un prénom auquel il ne faut pas se fier quand vient l’heure des mises à l’attelage ; il y a Filou, qui rêve de devenir chien de maison plutôt que de traineau… il tire, oui, mais vers le ranch et peu avec ses copains ; il y a Eagle, une vraie tête de nounours, mais dix mille fois plus remuant qu’une peluche… c’est l’hyperactif de la bande : il donne du fil à retordre à celui ou celle qui veut l’équiper ; il y a aussi Atlin, à qui il manque un bout de queue (elle a gelé quand il était chiot) ; Arkell, hargneux avec les autres mâles, affectif avec les humains ; Devil qui joue au chat et à la souris avec moi, impossible de l’approcher, à moins que ce ne soit pour l’amener à la stake out(2) ; Écho, très bonne chienne de tête, peureuse mais curieuse, son comportement est rigolo à observer en présence d’inconnus ; Willow, un énooorme chien, très bon, peu importe sa place dans l’équipe, offensif avec ses congénères et pourtant grand demandeur de caresses ; Viking, qui, une fois sa gamelle terminée, tourne en rond en la gardant dans sa gueule, jusqu’à ce que j’arrive pour la récupérer, soit pendant plus de dix minutes ; et il y a tous les autres.

À mon arrivée, j’ai rencontré mes cinquante nouveaux collaborateurs. J’ai dû retenir leur tête et leur prénom. Mon cerveau a mis cinq jours à mémoriser l’emplacement de chaque niche et à commencer à se souvenir de certaines bouilles. Durée au bout de laquelle, Marcelle, Gilles et moi avons procédé à un remaniement quasi-complet du chenil afin de mieux l’organiser et éviter de trop « brasser »(3) pendant les entraînements. Tous mes efforts étaient donc vains, il fallait que je reparte de presque zéro… Depuis trois semaines maintenant, je les (re)connais enfin tous (euh… toujours un petit instant de doute quand, de loin, je vois Éole, Écho et Émeraude, les trois frangines toutes blanches…) !

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Chinook
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Dyea

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Sassy
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Kiwi

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Tous comprennent finalement assez vite, que l’entraînement n’est pas pour tout de suite, qu’il y a d’abord le repas. Une fois rassasiés, le calme revient rapidement, l’occasion pour moi de passer un peu de temps auprès de chacun d’eux et de savourer le lieu unique dans lequel je me trouve. La quiétude est cependant de courte durée, le silence se rompt dès que je m’approche des harnais…

 

« Regarde ton chien dans les yeux et tu ne pourras pas affirmer qu’il n’a pas d’âme. », Victor Hugo.

  

(1) : l’envie de tracter d’un chien.
(2) : chaîne munie de dérivations ; elle sert à attacher les chiens.
(3) : marcher beaucoup, déplacer du matériel, …

8 réflexions sur “La meute

  1. Encore un très beau texte, qui magnifie les chiens et l’endroit où tu vis. Des photos magnifiques. Tu es une championne. Restera à écrire un bouquin de tes aventures. Bisous Kelly. Cathy te fais d’énormes bises. Remercie aussi tes employeurs qui ont l’air très sympathiques. 😘😍👏🐕☃❤️🇨🇦

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